Troisième procès de deux médecins pour homicide involontaire

Plus de dix ans après le décès de leur patiente suite à son accouchement, un gynécologue et un anesthésiste risquent à nouveau d'être interdits d'exercice médical pour homicide involontaire, comme lors des deux précédents procès.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

 - Setti Dalli et Mathieu Wibault ont recueilli les réactions de la famille de la victime, et la position de la défense le 16 novembre 2011 à la sortie de l'audience -

 

"Sophie Porte a été prise en charge par des médecins incompétents, imprévoyants, négligents", déclarait l'avocat général Gérard Burkel lors du procès en appel des Drs Sibella et Bouquiaux en 2009. Plus de dix ans auparavant, le 7 mai 1998, Sophie Porte est décédée le jour de ses 39 ans quelques heures après avoir donné la vie à sa seconde fille.

L'accouchement difficile du bébé de 4,7 kilos avait déjà provoqué d'importants saignements. Quelques heures plus tard, la mère succombait à une hémorragie massive dite de la délivrance. L'hémorragie de la délivrance, c'est une menace bien connue des gynécologues-obstétriciens et des sages-femmes. Les conditions de cette naissance en augmentaient objectivement le risque. Le Dr Patrick Sibella, gynécologue-obstétricien et le Dr Didier Bouquiaux, anesthésiste, ont pourtant quitté leur patiente. Le premier pour des consultations dans son cabinet hors de la clinique privée de Neuilly où se trouvait Sophie Porte. Le second pour jouer au golf…

Depuis, sa sœur, médecin, et son mari, luttent pour obtenir la vérité sur les causes du décès. Après une première condamnation pour homicide involontaire, les deux médecins avaient perdu leur appel en mai 2009. Les peines étaient encore plus lourdes. Trente mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d'exercer directement et indirectement la profession de médecin, chirurgien ou obstétricien pour le Dr Sibella, jugé "dangereux" par Gérard Burkel dans son réquisitoire. Celui-ci dénonçait notamment les efforts de dissimulation mis en œuvre par les soignants en constatant : "on a tout fait dans ce dossier pour enfumer la famille."

Le verdict fut un peu moins lourd pour l'anesthésiste. Neuf mois de prison avec sursis ou un an d'interdiction d'exercice pour le Dr Didier Bouquiaux. Mais les deux médecins, qui continuent toujours à exercer dans leur clinique privée de Neuilly, espèrent encore tout faire annuler grâce à un vice de procédure reconnu par la Cour de cassation le 15 juin 2010. Le procès devant la Cour d'appel de Versailles se déroule donc à nouveau cette fin de semaine.

Hier, lors de la première journée audience, le Dr Patrick Sibella s'est présenté avec un nouvel avocat, le célèbre Patrick Maisonneuve qui a par exemple défendu Yvan Colonna… Selon ses termes : "il n'y a aucune faute pénale". La défense du gynécologue mettait en avant la faute sur la sage-femme (innocentée en première instance) et une mauvaise gestion des réserves sanguines sans rapport avec ses fonctions. Au terme des audiences de ce troisième procès, le Dr Sibella a parlé d'"échec". Quant au Dr Didier Bouquiaux, l'anesthésiste, il a finalement reconnu sa "responsabilité morale".

L'avocat général Jacques Hossaert a cette fois requis  pour le gynécologue une peine de prison de 2 ans avec sursis  assortie d'une interdiction définitive de "toute profession liée à l'exercice médical". Des peines limitées à respectivement 9 mois et 2 ans pour l'anesthésiste. Le veuf "espère qu'ils seront déclarés coupables pour que (sa) fille, Marie, ne se sente pas responsable de la mort de sa mère". Marie est sa fille cadette, née quelques heures avant le décès de Sophie Porte.

Source : Rédaction du Magazine de la Santé et AFP